Processus d'adaptation des acteurs

Processus d'adaptation des acteurs

Les acteurs (agriculteurs, forestiers, entreprises agricoles, gestionnaires des sols ou de l’eau…) s’adaptent en permanence à l’évolution du contexte (climat, économie…). Cette adaptation incrémentale s'intègre dans un processus à plus long terme qui doit être évalué et planifié de façon itérative en fonction des enjeux, de l'évolution du climat et des marges de manœuvre des acteurs. Il s’agit, idéalement, de passer d’une adaptation tactique à une adaptation stratégique.

Prendre en compte l’adaptation autonome des acteurs

Qu’elle soit tactique ou stratégique, l’adaptation résulte pour partie du comportement des acteurs : leur adaptation est autonome. Les choix techniques (variété, irrigation, …) ou d’usage des sols (utilisation agricole, vente, …) résultent de décisions individuelles, qui dépendent du contexte économique (coût et prix déterminant le profit), du contexte climatique et du potentiel agronomique. D’un point de vue micro-économique, les usages des sols et choix techniques observés sont issus de décisions permettant de tirer le meilleur profit des conditions actuelles ou pressenties (les choix pouvant résulter d’objectifs variés).

Certains chercheurs considèrent ainsi que l’évaluation des impacts du changement climatique requiert d’intégrer une représentation de ces comportements. Sinon, ils seraient surestimés, puisque les résultats n’intègreraient pas cette adaptation systématique. Cette idée a notamment été conceptualisée et illustrée par Mendelsohn et al. (1994) pour les activités agricoles.

Le processus de décision des agriculteurs peut être simulé et pris en compte dans l’évaluation des impacts du changement climatique sur l’agriculture. La situation de référence est alors non pas la situation actuelle mais une situation future considérant un scénario traduit par des objectifs individuellement adaptés (par exemple, profit maximal). Le scénario de référence est alors un scénario de référence dynamique (évolution des variables démographiques, techniques, socio-économiques), par opposition aux scénarios de référence statique (où la seule variable climat évolue).

L’adaptation : un processus en boucle

Cette façon d’appréhender l’adaptation implique de considérer l’adaptation non pas comme une chaîne (climats → impacts → adaptation) mais comme une boucle répétée, de choix et d'évaluation des actions entreprises en fonction des enjeux prioritaires, comme représentée dans la figure ci-dessous. De même, de façon itérative, l'efficacité des options au sein de cette grande boucle est testée avant de prendre une décision de mise en œuvre, synthétisée dans la Figure ci-dessous, tirée du rapport du GIEC : AR5 Climate Change 2014 : Impacts, adaptation and vulnerability.  Les boucles peuvent s’imbriquer entre les différentes échelles temporelles de court terme, moyen terme, long terme. Afin de faciliter les prises de décision pour s’adapter au changement climatique, il est nécessaire de fournir aux acteurs publiques ou privés de l’agriculture, de la forêt et des territoires, un cadre conceptuel et méthodologique, ainsi que des critères d'évaluation intégrée des différentes options à comparer. Ces critères doivent aider à tester si les options envisagées réduisent effectivement les risques et les impacts, si elles sont économiquement viables et acceptables par les acteurs et la société (voir aussi l'onglet adaptation).

 

 

Boucle d'adaptation

 

Combiner adaptation et atténuation

Le secteur agri-alimentaire n’est pas seulement impacté par le changement climatique. Il contribue, comme d’autres secteurs d’activités, aux émissions de GES. A l’échelle du globe, le secteur de l’agriculture, de la forêt et du changement d’usage des terres représente 23% des émissions (IPCC, 2014).  En France, le secteur agri-alimentaire dans son ensemble représente 36% des émissions (19% pour l’agriculture sensu stricto). A l’inverse, le secteur de l’agriculture et de la forêt peut contribuer à l’atténuation par stockage de carbone dans des compartiments à temps de résidence long (sol et biomasse ligneuse) et la production d’énergie renouvelable (effet de substitution aux énergies fossiles). Le rapport spécial de l’IPCC de 2019 (Arneth et al., 2019) montre que sans une contribution significative du secteur des terres (émissions négatives), l’objectif de l’accord de Paris n’est pas atteignable. En France, l’effort demandé au secteur agricole et forestier dans le cadre de la Stratégie Nationale Bas Carbone est une réduction de 46% des émissions de GES agricole en 2050 par rapport à 2015, et un doublement des puits de carbone (MTES, 2020).

L’adaptation et l’atténuation peuvent être combinés à partir de connaissances existantes (valorisation de la biodiversité inter et intra-spécifique, génotypes adaptés, mélanges d’espèces et de variétés, légumineuses, non travail du sol…), d’analyse de leurs interactions (ex. choix des cépages, modes de conduites des vignobles et procédés de vinification…).

A titre d’exemples, les modèles d’impacts doivent progressivement aborder des questions complexes telles que celles des idéotypes et des systèmes agricoles et forestiers permettant de valoriser les opportunités liées au changement climatique (ex. augmentation de la pCO2 dans l’atmosphère) dans un objectif d’adaptation (accroissement de la photosynthèse, de l’efficience de l’eau) et d’atténuation (rhizodéposition et stockage de C) ; les synergies et antagonismes entre les objectifs d’adaptation et d’atténuation (ex. alimentation des ruminants à base d’herbe et sécheresses estivales plus fréquentes ; production de CIVE (Cultures intermédiaires à vocation énergétique)  pour la production de biogaz et raréfaction de la disponibilité en eau). La conception de nouveaux systèmes vise une augmentation de leur résilience face aux aléas climatiques (ex. variabilité climatique accrue, séquences climatiques inédites…), ce qui suppose que les modèles puissent les représenter et que des indicateurs de résilience soient développés (Dardonville et al., 2022 ). L’évolution de la disponibilité en eau sera un déterminant majeur de l’évolution des systèmes.