Modéliser les agro-ecosystèmes

Modéliser les agro-ecosystèmes

Etudier l’impact du changement climatique sur l’agriculture, la forêt, l’eau mobilise des connaissances sur la biologie des organismes et sur le fonctionnement des agrosystèmes naturels et agricoles. Il faut analyser le passé et observer le présent pour modéliser et projeter le futur. Les disciplines scientifiques mobilisées, les objets d’étude, les échelles et les questions de recherche sont multiples et nécessitent des travaux en interdisciplinarité.

Le fonctionnement des écosystèmes

Les écosystèmes sont représentés par des modèles représentant des plantes, des animaux, des milieux. Ce sont des représentations mathématiques et informatiques de l’évolution des agrosystèmes, des forêts et de leur environnement climatique, hydrologique et pédologique, et ne représentent pas tous les mêmes systèmes, ni les mêmes fonctionnalités (Brisson and Levrault, 2010).

Ils sont indispensables pour se projeter dans le futur, mais ont été développés en utilisant des données du passé ou actuelles permettent d’expliquer des observations, car comment se projeter dans l’avenir autrement qu’en utilisant des représentations construites à partir de nos connaissances actuelles ? Ainsi, comme le résume la célèbre phrase de George E.P. Box « tous les modèles sont faux, mais certains sont utiles », ils restent une simplification de la réalité, mais sont néanmoins les meilleurs outils que nous ayons pour anticiper le futur. 

On distingue de manière schématique deux grandes approches de modélisation : les modèles mécanistes (ou phénoménologiques) et les modèles statistiques.

  • Les modèles mécanistes explicitent le fonctionnement d’un système (individu, écosystème, système sol-plante…) sur la base de processus. Ils nécessitent beaucoup de connaissances a priori. Ils intègrent en général plusieurs processus en visant une qualité de représentation la plus cohérente possible d’un processus à un autre.
  • Les modèles statistiques ont pour objectif de d’établir des relations statistiques entre une variable que l’on souhaite prédire et des variables potentiellement capables d’expliquer cette variable, sans expliciter les processus impliqués. Ils nécessitent donc beaucoup d’observations.

Quelle que soit leur nature, les modèles peuvent avoir différentes finalités lorsqu’il s’agit d’analyser les impacts du changement climatique sur l’agriculture, les forêts ou les milieux naturels:

  • modèles de production prédisant le rendement d’une culture,
  • modèles de bilan hydrique prédisant l’état de contrainte hydrique du couvert et l’évolution des réserves en eau du sol,
  • modèles de santé des plantes,
  • modèles simulant l’organisation des chantiers au sein d’une exploitation agricole,
  • modèles de niche écologique simulant l’évolution à long terme de la présence des espèces forestières,
  • etc.

En faisant varier certaines données d’entrée (différents scénarios climatiques, différentes techniques culturales…), il est possible de comparer les réponses des systèmes modélisés. Ceci peut permettre une évaluation de certaines options d’adaptation (par exemple, le maintien du rendement en avançant la date de semis ou en changeant la précocité variétale).

Le rôle du climat

Dans les modèles, les mécanismes représentés sont nombreux et quasiment tous sont en interaction avec le climat. Dans certains cas, une variable climatique, par exemple la température, est utilisée. Or, les effets de différentes variables pouvant se compenser ou au contraire se cumuler voire s’amplifier mutuellement, il est très souvent nécessaire de prendre en compte l’ensemble des conditions climatiques (température, pluviométrie, rayonnement, vent, concentration en CO2 atmosphérique, ...).

Les modèles sont dits « dynamiques » car ils intègrent une dimension temporelle avec une évolution dans le temps à la fois des données climatiques en entrée et des variables modélisées. Le pas de temps des modèles peut varier : horaire, journalier, décadaire, mensuel, annuel, ...

Grâce au portail national "DRIAS, les futurs du climat" des projections climatiques régionalisées réalisées dans les laboratoires français de modélisation du climat (IPSL, CERFACS, CNRM-GAME) sont mises gratuitement à disposition. Les informations climatiques sont délivrées sous différentes formes, graphiques ou numériques. L’espace "accompagnement" du portail DRIAS fournit des explications sur le changement climatique : constat, causes, impact et adaptation.

Il explique comment les chercheurs déterminent les futurs du climat et comment utiliser correctement les éléments mis à disposition :

  • Les scénarios d’émissions et trajectoires de forçage radiatif du GIEC (Shared Socioeconomic Pathways  - SSP)
  • La simulation du système climatique de la terre par des modèles physiques
  • Les informations sur les projections régionalisées du climat : paramètres atmosphériques (températures, précipitations…) et indices dérivés (nombre de jours de gel, durée des vagues de chaleur…)
  • Les méthodes de correction de biais
  • Les incertitudes associées aux modèles climatiques et à leur régionalisation.

 

La ressource en eau : l 'hydrologie de surface et les nappes d'eau souterraines

Pour pouvoir tester certaines options d’adaptation telles que l’irrigation, et donc coupler ces scénarios avec des modèles de gestion de la ressource, il est indispensable de coupler les modèles climatiques, les modèles d’impacts agronomiques et forestiers et les modèles hydrologiques et hydrogéologiques pour considérer les rétroactions entre sol, climat, végétation et eau.  Ceci permet aussi de répondre à la question « les nappes seront-elles suffisamment rechargées pour être exploitées en vue d’irriguer les cultures ? », ou bien « le respect de ce débit d’étiage est-il compatible avec telle ou telle culture irriguée ? »

Ces modèles (2D ou 3D) sont à une résolution spatiale beaucoup plus fine que les modèles de climat, ce qui implique un traitement lourd (long temps de calcul nécessaire à la simulation). Leur couplage est encore un front de science, même si des tentatives en ce sens ont été menées dans certains bassins, soit avec des modèles globaux de végétation, soit avec des modèles de culture sur un petit territoire. Ces couplages restent complexes à réaliser sur des surfaces étendues.

Le portail Drias-Eau est une source d’informations très riche au sujet des futurs de l’eau en France.